« Alors poupée, tu termine à quelle heure ? » Un sourire peu sincère s’afficha sur le visage angélique de Micah. Elle ne répondit pas, attrapant la bouteille de bière vide sur la table, la posa sur son petit plateau et passa un coup de lavette. Tournant les talons, elle ne réagit pas à la petite tape qu’elle reçu sur les fesses mais son sourire se tranforma bien rapidement en grimace. Les hommes. Tous les mêmes. Elle avait quitté Philadelphie depuis le mois de Juillet. Le médecin qu’elle avait vu aux urgences n’avait cessé de la relancer pour qu’elle se fasse opérer, et elle n’avait trouvé d’autres moyens que de quitter la ville. Personne n’était au courant de ça, et personne ne le serait. C’était mieux ainsi. A quoi ça servirait de toute façon, qu’elle se fasse opérer ? La vie était une chienne. La vie ‘était une pute. Voilà ce que pensait la blondinette. Elle ne valait pas le coup d’être vécue, alors mieux vallait mourir vite… Qu’importe la douleur. « C’est bon Micah, tu peux partir, je ferais la fermeture. » La jeune femme hocha la tête et sourit légèrement. « Okay, merci. A demain alors. » Posant son plateau et son torchon, elle se rendit dans la petite salle de repos et attrapa son sac. Elle jeta un coup d’œil à sa montre. 23h. Et enfin, elle avait fini sa journée de boulot. Travailler en tant que serveuse, ce n’était pas de tout repos. Elle quitta le Sutton’s bear et prit la direction de son appartement. Cela faisait quatre mois qu’elle était en ville, et elle commençait à connaître assez bien les rues. Ainsi, elle opta pour une petite ruelle… Clap clap clap. Ses talons claquaient contre le pavé. Frissonnant, elle accéléra le pas pour arriver plus rapidement chez elle.

Deux heures plus tard.

« Mademoiselle ? Oh mon dieu, mademoiselle, réveillez-vous ! » Faiblement, elle ouvrit les yeux. Elle avait mal partout et avait froid. Allongée à même le sol, elle tenta de se redresser mais grimaça. « Comment vous sentez-vous ? » demanda une voix féminine. « J’ai… J’ai mal… » Murmura-t-elle en tentant de relever la tête. « J’ai appelé le samu, ils arriveront bientôt… ». Micah secoua la tête. « Non, non, je veux pas aller à l’hôpital. » Soudainement prise de nausées et fut secouée en avant et vomi ses tripes. « Il le faut, vous venez de subir un... un... un choc. » Sa tête lui faisait mal et elle avait un sale goût de fer dans la bouche. Il faisait sombre, mais en observant un peu elle aperçut qu’elle était totalement nue et ses vêtements étaient éparpillés un peu plus loin. Son cœur se mit à battre la chamade et sa respiration s’accéléra. Par reflexe, elle se recroquevilla sur elle-même contre le mur et se passa la main sur le visage avant de s’apercevoir que cette dernière était toute ensanglantée. Son corps entier la faisait souffrir. Elle avait envie d’hurler, de crier, de dire à cette femme de s’en aller. Au loin, la sirène des secours retentissait. « Donnez moi mes vêtements… s’il… s’il vous plaît. » Sa voix fut brisée par un sanglot. Les larmes roulèrent sur ses joues. Fermant les yeux un instant, elle se souvint d’un coup de poing lui arrivant en pleine figure et d’une forte odeur d’alcool… Et puis de cris, les siens… Et puis, le trou noir.


Les sirènes hurlaient. Le camion filait à toute allure à travers Sutton Bay. A l’intérieur, Micah continuait de pleurer, recroquevillée sur elle-même. « Ne me touchez pas ! » Elle avait presque hurlé alors qu’un des médecin avait tendu la main vers elle pour lui donner u verre d’eau. Elle n’avait pas soif. Elle se sentait sale. Extrêmement sale. Jamais elle ne s’était sentie aussi mal. Elle avait la tête qui tournait, le corps tout endoloris. Avant l’arrivée des secours, elle était parvenue à se rhabillée. La honte s’était emparée d’elle alors que la femme qui avait appelé les secours racontait comment elle l’avait trouvée. Nue, étendue sur le sol. Le visage tuméfié, du sang coulait de sa bouche : en criant, elle avait du se mordre la langue. Au fond de l’ambulance, Mickaëla fermait les yeux, laissant les larmes couler sur ses joues. Elle ne les sentait même plus lui dégouliner dans le cou. « S’il vous plaît… Ramenez moi chez moi, je vous en prie… » Implora-t-elle pour la énième fois. La jeune femme avait une sainte horreur des hôpitaux et n’avait qu’une envie : rentrer chez elle et prendre une douche. Elle resterait des heures sous l’eau brulante, se frottant la peau jusqu’au sang pour faire partir cette saleté de sensation. « Vous vous souvenez du visage de celui qui vous a fait ça ? » C’était une infirmière qui s’adressait à elle. La jeune soignante avait tenté une approche mais la blondinette s’était encore plus repliée sur elle-même. Sa respiration était saccadée. Elle commençait sérieusement à avoir le tournis. Ses yeux restaient clos. Muette, elle tentait de se concentrer sur les bruits de la route. Quelques klaxons au loin, et puis finalement, elle sentie le camion du samu ralentir la cadence. « Ramenez-moi chez moi… » « On est arrivé à l’hôpital mademoiselle, on va vous aider…»


Clouée sur le brancard, elle ne pouvait plus bouger. Seules ses larmes continuaient de couler en silence, et elle était secouée de plusieurs sanglots. La jeune femme refusait d’ouvrir les yeux, incapable désormais d’effectuer le moindre geste. Elle se sentait diminuée, plus bas que terre. « Jeune femme de 23 ans, retrouvée dans une ruelle à moitiée nue. Elle semble être en état de choc. » Là, elle rouvrit les yeux. « Je ne suis pas en état de choc, putain, ramenez moi chez moi ! » Micah s’était redressée sur le brancard. Sa tension commençait à monter et elle manquait d’air, sa respiration était bruyante. Tout lui semblait flou, lointain. Puis prise d’une nouvelle secousse, elle vomit pour la seconde fois, ruinant son t-shirt blanc. Paumée. Elle était complètement paumée.

Seven était revenu depuis très peu de temps à Sutton Bay et, s’il avait eut la chance d’être rapidement engagé, sans doute parce que le directeur était un ami du père Rhodes, il désespérait déjà de ne voir apparaître aucun cas réellement intéressant dans une ville aussi calme que celle-ci. Oh, il s’imaginait déjà, s’ennuyant dans les couloirs ou seul les rhumes des petits vieux causeraient des morts, ne faisant rien de bien intéressant tandis qu’à New York il avait déjà eut le loisir de traiter des cas incroyable. Evidement, il n’avait pas encore rencontré Mickaëla Beckinson avant de dire ça… Entrant dans une chambre, la nuit tombante, il sourit à la petite s’y trouvant, son visage blafard n’exprimait que la peine et bien malgré lui, Seven s’était prit d’attachement pour cet enfant qui passait presque tout son temps ici en l’attente d’un cœur. Elle était plus mature qu’elle n’y paraissait, du haut de ses quatorze ans. « Alors Jess, comment tu vas ? » Dernière visite avant qu’il ne rentre chez lui et évidemment, c’était pour la demoiselle, il avait toujours admiré la force dont faisait preuve les patients aux portes de la mort et qui gardait le sourire : comme elle. Elle n’avait pas la peur qu’en fermant les yeux se soir elle ne se réveillerait pas demain, non. Elle continuait de garder son petit sourire et de charrier les médecins qui s’occupait d’elle, après tout, elle les connaissait tous. « Aussi bien qu’une adolescente cloîtré dans un hôpital en l’attente d’un cœur. » Elle le regarda en souriant. « Mais j’ai la plus joli chambre et un super chirurgien. Donc ça va. » Elle avait rit doucement, se redressant avec lenteur pour se mettre en position assise. « Pas de douleur, je suis stable, pas de vertiges, rien. » Ca aussi, c’était devenu une habitude, elle lui balançait toujours se qu’il devait savoir avant qu’il ne le lui demande, se qui l’avait un instant rire avant qu’il n’aille s’asseoir sur le bord de son lit en ouvrant le dossier pour voir si quelqu’un y avait apporté des changements. « Dit, Seven, pourquoi t’es revenu ici ? New York, ça a l’air plutôt cool comme ville, non ? » Ah, la question à un million. Pourquoi Seven était-il revenu ? Pour sa sœur ? Pour lui ? Pour autre chose ? Lui-même n’en était pas certain, malheureusement. Souriant toutefois à la demoiselle, il fronça doucement les sourcils, signe de réflexion, en refermant le dossier d’un rapide mouvement. « Je sais pas trop. En fait, ma sœur m’a envoyé une lettre, un jour et je suppose que c’est pour ça … » Haussant une épaule, il n’eut pas le temps de terminé sa phrase, entendant la sonnerie stridente de son bipper, se levant avec un bref air désolé en direction de la patiente, qui lui sourit en toute réponse, il sortit de la chambre, trottinant jusqu’à l’entrée de l’hôpital.

« Jeune femme de 23 ans, retrouvée dans une ruelle à moitié nue. Elle semble être en état de choc. » Seven regarda le corps de la jeune femme et, même si se n’était pas encore prouvée, il était facile de dire se qu’elle avait subit ou peut-être failli subir. Il la vit se redressé rapidement, telle une furie. « Je ne suis pas en état de choc, putain, ramenez moi chez moi ! » S’avançant pour lui dire de se rallonger, il n’en eut toutefois pas le temps quand celle-ci vomit sur son t-shirt. Fronçant le nez, il la rallongea finalement. « Mademoiselle, vous ne pouvez pas rentrer chez vous tout de suite. Vous êtes en état de choc. » Levant le regard vers l’un de ses internes, il fit un signe de tête pour qu’il approche. « Tu t’occupe de la consultation. Vérifie qu’elle n’ait rien de cassé, je veux une radio et appelle un psy de garde, je pense qu’elle en aura besoin. Est-ce qu’elle avait des papiers d’identités sur elle ? » L’interne montra un sachet en plastique hermétique dans lequel semblait se trouver peu de chose, une simple carte d’identité et un portable en trop piteux état pour qu’on en est l’usage. Soupirant, Seven ne fit que regarder le nom de la jeune femme, demandant à l’infirmière de trouver le dossier médicale de celle-ci, ou qu’il fusse. Ce n’est qu’une bonne heure et demi plus tard qu’il entra dans la chambre ou elle se trouvait désormais, habillé de la blouse d’hôpital, loin des odeurs de vomit, elle semblait certes, plus propre mais pourtant, toujours terrassée par sa soirée. Roulant les yeux lorsqu’on lui apprit qu’aucun psy n’était, étrangement, de garde ce soir, il entra dans la chambre, dossier médicale presque vide en main. « Mademoiselle Beckinson ? » Avait-il doucement dit en entrant à pas lent, comme s’il avait à prouver qu’il n’allait rien lui faire. On ne sait jamais après tout, des fois qu’elle le pense …. « Comment vous sentez-vous ? » Les analyses avait effectivement révélé qu’elle avait été victime d’une agression sexuelle et si Seven avait toujours été dégoûté d’une chose, s’était bien cela. Qu’avait-il pensé déjà ? Qu’il n’y aurait aucun cas particulier à Sutton Bay ? Seven, on te présente Mickaëla Beckinson.

Son haut le cœur l’avait fait taire. Micah s’était figée, le regard fixé sur son t-shirt. Son cœur continuait de tambouriner. Elle avait mal. Mal à la gorge, mal à la poitrine, mal aux bras, aux jambes, aux yeux. Elle avait mal partout. Une main se posa sur son épaule et la poussa doucement en arrière, l’obligeant à se rallonger. Dépourvue de toutes forces, elle ne résista pas et laissa tomber sa tête sur le brancard et ferma les yeux, essayant de se couper de tout ce qui pouvait se passer autour d’elle. Elle avait envie de calme. Elle avait besoin de silence et possédait un talent assez spécial pour s’enfermer sur elle-même quand elle en ressentait le besoin. C’était une technique qu’elle avait commencé à utiliser quand sa mère était partie, la laissant seule avec son père. Au loin, elle entendait des voix, mais tout cela lui paraissait si lointain. Elles lui parvenaient plus comme des bourdonnements que des mots distincts. Elle ne comprenait pas et ne cherchait pas le moindre du monde à comprendre ce qui se passait autour d’elle. Au fur et à mesure, elle parvenait à ralentir la cadence de son cœur et de sa respiration, se calmant doucement. Les médecins discutaient et il ne se passait rien.

Quand le brancard se remit à bouger, ses yeux se rouvrirent instantanément et sa respiration s’enflamma de nouveau. « Calmez-vous mademoiselle Beckinson, vous êtes en sécurité ici, on va s’occuper de vous… » Commença une femme en se penchant au dessus d’elle, souriante. Micah ne répondit pas à son sourire et détourna les yeux. « Je veux seulement rentrer chez moi, pourquoi vous ne comprenez pas ? » répliqua-t-elle d’une voix assez froide. Elle tenta de se redresser de nouveau, mais une nouvelle main vint se poser sur son épaule, l’empêchant d’effectuer le moindre geste. « Ne me touchez pas ! » s’exclama-t-elle une nouvelle fois en haussant le ton, ce qui eut pour effet de voir la main qui la maintenait couchée se relâcher. « D’accord, d’accord, mais faîtes nous confiance. » Mickaëla ignorait qui parlait, tout comme elle ignorait combien de personnes pouvaient graviter autour d’elle. La jeune femme avait horreur d’être l’objet de temps d’intéressement, comme si elle était la nouvelle attraction d’un zoo. Elle soupira alors que le brancard ralentissait. « Installez-vous dans ce lit… Nous allons procéder à de nombreux examens dans les heures à venir, mais vous allez pouvoir commencer par… prendre une douche, si vous le souhaitez… » . Micah se redressa à nouveau et posa son regard sur la pièce où elle était : une chambre d’hôpital, tout ce qu’il y avait de plus normal. Elle avala avec difficulté sa salive et regarda l’infirmière qui lui faisait face, avant d’hocher doucement la tête. Tranquillement, elle se hissa hors du brancard et la jeune soignante reprit la parole en regardant son collègue. « Je m’en occupe Kyle, tu peux y aller. » marmonna-t-elle avant de reporter son attention vers Micah qui prenait la direction de la salle de bain, au fond de la chambre. Quand l’homme eut quitté la pièce, la jeune Beckinson quitta son t-shirt. Il empestait et une nouvelle envie de vomir lui prit. Elle du courir jusqu’aux toilettes pour ne pas ruiner la chambre. Toute cette histoire la dégoûtait.


Elle resta plus d’une demi-heure sous l’eau brulante. Micah s’était arrêtée de pleurer et tenta une nouvelle fois de s’enfermer dans sa bulle. Mais des images lui revenaient en tête : elle s’entendait hurler, ordonnant à cet homme de s’arrêter. Elle arrêta soudainement l’eau de la douche et sortit de la cabine. Son regard fuyait le miroir ; elle refusait de voir la tête qu’elle avait. Elle s’essuya les cheveux et le corps, enfila ensuite la vieille blouse de l’hôpital et retourna dans la chambre. « Comment vous sentez-vous ? » L’infirmière était là, assise sur la petite chaise près du lit. Muette, Micah se contenta d’hausser les épaules. « Venez vous allonger, je dois vous faire une prise de sang… » La jeune femme obéît et vint se glisser dans les draps. Tournant le visage à l’opposé de l’infirmière, elle lui laissa libre champs à son bras, ne donnant aucune réaction quant à la piqure. S’en suivit d’autres examens : des radios, ainsi qu’un examen gynécologique, puis enfin, elle put être seule dans la chambre.

Allongée sur le côté, recroquevillée sur elle-même, elle ferma les yeux et laissa de nouveau quelques larmes perler au coin de ses yeux. Elle sentait comme un creux au fond d’elle, un énorme vide. Comme si cet homme venait de lui arracher sa dernière part de fierté qui pouvait sommeiller en elle. Mickaëla était vide, totalement vide. « Comment vous sentez-vous ? » La jeune femme sursauta en entendant la voix. Elle n’avait pas fait attention que quelqu’un était entré dans la chambre et elle se replia un peu plus sur elle-même avant d’essuyer rapidement les quelques goûtes d’eau salée qui parsemait son visage. « Bien.. Je vais bien.. » mentit-elle. « Est-ce que je peux rentrer chez moi, maintenant ? » Son ton était presque implorant. Pourquoi personne ne voulait l’écouter ?